Tu te souviens de la dernière fois où quelqu’un t’a parlé comme si tu étais une enfant de 5 ans ? Cette sensation de te faire prendre pour une idiote, juste parce que quelqu’un d’autre se croit plus malin ou plus compétent que toi. Ça, c’est l’infantilisation d’un adulte – et franchement, c’est un poison dans nos relations. Dans la famille, ça équivaut à adopter (consciemment ou inconsciemment) une posture de parent normatif face à l’enfant soumis. C’est une forme de violence psychologique où la personne infantilisante cherche à dominer par son autorité, en utilisant un langage ou des actes infantilisants. En gros, c’est une stratégie de communication régressive qui impacte ton estime de toi et ta santé mentale.
Mais cette dynamique toxique ne se cantonne pas juste aux rapports parents-enfants adultes. Non, elle s’infiltre partout : dans ton couple, au boulot, et même avec tes amis. Et le pire ? Elle te bloque littéralement dans ta capacité à grandir et à t’épanouir. Tu te retrouves enfermée dans une cage dorée où ta valeur se mesure à ta dépendance. L’infantilisation de l’adulte, c’est pas de l’amour, quoi qu’on essaie de te faire croire. C’est une prise de pouvoir, ni plus ni moins.
Infantiliser un adulte : quand on te prend pour un(e) incapable
Soyons clairs. “Infantiliser un adulte, c’est le prendre pour un con. Ne pas le laisser vivre en tant qu’adulte et ne pas le laisser prendre en considération toutes ses responsabilités” comme je le dis souvent à mes clientes.
Ça se manifeste comment concrètement ? Comme ça :
- On décide à ta place parce que “tu ne saurais pas faire le bon choix”
- On surveille tes faits et gestes comme si tu étais sous contrôle judiciaire
- On critique tes choix en te faisant comprendre que tu n’es pas capable
- On te bombarde de conseils que tu n’as pas demandés
- On parle à ta place en société
Tu as déjà vécu ce moment où ta mère ou ton père te coupe la parole pour “mieux” expliquer ce que tu voulais dire ? C’est exactement ça le problème : cette personne est persuadée qu’elle sait mieux que toi ce que tu penses, ce dont t’as besoin, ou ce qui est bon pour toi.
Et le truc complètement dingue, c’est le paradoxe derrière tout ça. En n’ayant pas confiance en ton enfant, tu n’as pas confiance en lui, mais tu n’as du coup pas confiance en l’éducation que tu lui as donnée, ce qui est quand même paradoxal et triste. C’est comme dire: “Je t’ai élevée, mais je crois pas que tu aies les capacités de te débrouiller.” Cette contradiction est non seulement blessante mais révèle surtout les failles de celui qui infantilise.
L’infantilisation te maintient dans un état de dépendance où tu te retrouves à chercher constamment l’approbation. Tu te surprends à penser “Qu’est-ce que maman dirait ?” avant chaque décision, même à 40 ans. T’hésites à acheter un meuble sans l’avis de ton mec qui “s’y connaît mieux”. T’attends sagement que ton boss te dise quoi faire plutôt que de prendre des initiatives.
Et progressivement, tu commences à douter de toi-même. L’infantilisation a ce côté vicieux : elle finit par te convaincre que tu n’es vraiment pas capable de te débrouiller toute seule.
Derrière l’infantilisation : un besoin égoïste d’amour
Tu pourrais croire que les gens qui infantilisent les autres le font par amour ou protection. Faux. C’est égoïste. Et très souvent, un parent qui infantilise un adulte est aussi un parent qui a besoin de recevoir de l’amour, de la reconnaissance.
Le syndrome du sauveur : donner pour mieux recevoir
Le mécanisme ressemble à ce qu’on voit dans certains couples toxiques. C’est une forme de violence psychologique basée sur une donation toxique, dans l’objectif de recevoir de l’amour. Comme dans une relation où l’un des interlocuteurs a tendance à jouer à la nounou pour l’autre. La réalité ? Quand le partenaire n’est plus en situation de handicap émotionnel, qu’il prend en compte sa propre santé mentale, il s’émancipe.
Cette dynamique s’inscrit parfaitement dans le triangle de Karpman, où les états du moi parent, adulte et enfant rebelle s’entremêlent. Dans ce système qui infantilise, une personne qui cherche à sauver manifeste une volonté d’être vue. La posture de supériorité vis-à-vis de la personne infantilisée oscille entre sauveur (“je fais ça pour ton bien“) et persécuteur (“regarde ce que tu m’obliges à faire”).
Un amour conditionnel déguisé
L’infantilisation est une attitude qui n’a rien à voir avec l’amour véritable. L’amour authentique permet à l’enfant libre qui sommeille en nous de toucher toutes les possibilités sans stress ni pression. À l’inverse, l’infantilisation de tout adulte à qui l’on refuse l’âge adulte engendre frustration, culpabilité et manque de confiance.
J’ai accompagné tellement de femmes qui réalisaient que le traitement qu’elles subissaient n’était pas de l’amour mais un discours infantilisant. “Ma mère m’appelle trois fois par jour pour vérifier ce que je mange, où je vais, avec qui je sors… j’ai 34 ans !“. Cette relation toxique où quelqu’un se comporte comme un parent nourricier déguise une mentalité de contrôle.
Ce type de comportement révèle un besoin insatiable de reconnaissance chez celui qui infantilise. Cette personne cherche constamment à entendre: “Merci, je sais pas ce que je ferais sans toi“, “T’as tellement raison“, “Tu sais toujours ce qu’il faut faire”.
Et si tu remets en question cette dynamique ? Prépare-toi à des réactions excessives. La culpabilisation, c’est l’arme favorite : “Après tout ce que j’ai fait pour toi…”, “Tu me brises le cœur”, “Tu ne m’aimes plus”. Ces phrases sont les signes que tu touches à quelque chose de profond : la peur de l’autre de ne plus être nécessaire et donc, de ne plus être aimé.
Les conséquences dévastatrices de l’infantilisation sur ton développement
L’infantilisation n’est pas juste un truc désagréable qui passe. Ses effets sont profonds et durables, surtout quand ça dure. Elle laisse des traces indélébiles sur ta personnalité, ta confiance en toi et ta capacité à vivre pleinement.
Vivre sous cloche : la peur comme moteur
Quand on t’infantilise, on t’éduque par la peur, ce qui empêche d’explorer toutes les possibilités. Cette forme de violence psychologique crée un “moi” déséquilibré. L’enfant qui serait incapable reste enfermé sous cloche, bourré de conditionnements.
J’ai en tête l’histoire d’une amie, fille unique de 35 ans, qui avait toujours vu son père comme son plus grand soutien. Et c’est vrai, physiquement présent. Mais avec le recul, elle s’est rendue compte qu’il était surtout très enfermant. À sa mort, elle s’est retrouvée incapable de se débrouiller. Son père, membre de la famille supposé aidant, avait créé une situation de dépendance en gérant tout à sa place. Le message implicite était clair : “Tu ne peux pas gérer ta vie seule” – une attitude consistant à agir comme si elle était en situation d’incapacité.
Le résultat ? Elle a dû aborder le sujet de son infantilisation, car ça l’avait rendue naïve, avec la peur d’exister par elle-même et une dépendance à ses partenaires, dans une sorte de transfert du modèle paternel.
L’infantilisation te maintient dans une version réduite de toi-même. Elle te fait vivre “petit” alors que tu pourrais déployer tes ailes. Elle te condamne à une existence terne alors que tu pourrais briller de mille feux.
Des conditionnements qui t’enchaînent
L’infantilisation t’emprisonne dans des conditionnements limitants. On t’inculque l’idée que tu dois suivre un chemin tout tracé, que certaines aspirations sont inaccessibles pour toi, que tu dois te contenter de certaines limites arbitraires.
Ces conditionnements deviennent une seconde nature. Tu te surprends à t’auto-censurer : “Je peux pas postuler à ce poste, c’est trop ambitieux pour moi”, “Je mérite pas cette relation”, “Je suis pas assez intelligente/belle/compétente pour ça”. Ces pensées ne sont pas les tiennes ! Elles sont le fruit de l’infantilisation que t’as subie.
Une autre conséquence dévastatrice est la difficulté à identifier et exprimer tes propres désirs. À force qu’on te dise ce que tu dois vouloir, tu finis par perdre contact avec tes aspirations authentiques. Combien de femmes ai-je vu qui, à 40 ou 50 ans, réalisent qu’elles ont vécu la vie que leurs parents ou leur conjoint avaient imaginée pour elles, et non celle qu’elles auraient choisie ?
Un potentiel inexploré
La plus grande tragédie de l’infantilisation est peut-être ce potentiel qui reste en friche. Ces talents que tu n’as jamais explorés, ces rêves que tu as abandonnés, ces parties de toi qui n’ont jamais vu le jour.
L’amie dont je te parlais a finalement entrepris un travail profond pour se reconnecter à elle-même après la mort de son père. Elle a découvert des passions qu’elle avait jamais osé explorer, des compétences qu’elle ignorait posséder. “J’ai l’impression d’avoir vécu les 35 premières années de ma vie à 30% de mes capacités”, m’a-t-elle confié. Quelle perte !
Comment briser les chaînes de l’infantilisation ?
Si tu te reconnais dans ce que je viens de décrire, que ce soit comme victime d’infantilisation ou – soyons honnêtes – comme personne ayant tendance à infantiliser les autres, il est temps d’enclencher un processus de libération. Car oui, on peut se défaire de ces schémas toxiques, mais ça demande du courage et de la persévérance.
La première étape consiste à prendre conscience du schéma. Voici quelques signes à reconnaître :
- Certaines personnes te font constamment douter de tes capacités à gérer ta propre santé ou ta vie
- Tu te sens obligée de demander validation avant de réagir de manière autonome
- Tu vis dans l’impression que ton interlocuteur minimise systématiquement ton état du moi adulte
- Dans la relation familiale, quelqu’un décide “pour ton bien” sans te laisser le temps de réfléchir
Cette prise de conscience peut être douloureuse, surtout quand ça concerne des relations proches comme tes parents ou ton partenaire. C’est normal de ressentir de la colère, de la tristesse ou même du déni. Accueille ces émotions sans jugement – elles font partie du processus.
Ensuite ? Etablis des limites claires.
Apprends à exprimer ta volonté: “J’apprécie ton attention, mais j’ai besoin de prendre mes propres décisions.” Bien sûr, prépare-toi à des résistances. La personne qui t’infantilise a construit une partie de son identité autour de son rôle de “protecteur” ou de “guide”. Remettre en question ce rôle peut provoquer des réactions défensives, voire agressives. Reste ferme mais bienveillante. N’oublie pas que l’infantilisation suggère une violence psychologique subtile qu’il faut traiter avec détermination.
Dernière étape ? Reconstruire progressivement ta confiance en toi.
Commence par de petites victoires : choisis ton restaurant sans chercher l’approbation d’autrui, planifie tes activités selon tes envies. Chaque pas vers l’autonomie compte comme un renforcement du côté adulte responsable. Bien sûr, le discours intérieur infantile que tu as intériorisé doit aussi être remplacé. Quand tu penses “Je ne peux pas faire ça seule”, demande-toi si c’est vraiment ton message ou celui d’une interaction régressive.